Mercredi 28 novembre 2007 à 15:53





J'étais assise de façon à dominer la scène, dans un des fauteuils confortables de la grande salle. Les rideaux rouges étaient encore clos et tout le monde attendait l'ouverture du rideau pour écouter le matin de Peer-Gynt. Je me concentrai sur les violoncelles, sur les flûtes traversières puis sur les violons lors du forte qui nous donne des frissons dans le cou et dans les bras. Le morceau ne dura pas longtemps, et le Clavecin enchaina Rameau, sans nuance, avec cette froideur, qui laisse perplexe. Après la fille qui penchait la tête dans tous les sens, le professeur de Clavecin s'assit face à l'instrument et commence à jouer des notes que je connais, qui s'annoncent dans ma tête, qui déboulent dans mon esprit comme une jolie danse, une ribambelle qui déambule au milieu de mes neurones. Je ferme les yeux, je n'avais jamais entendu ce morceau au clavecin. Les cordes pincés ne peuvent pas autant que les cordes frappées du beau piano laqué qui règne au milieu de la pièce. Je ne vois pas le temps passé, je suis transportée, j'écoute, et je me dis qu'un jour, je serai moi aussi sur ce banc, là devant des gens, que je serai aussi un jour en troisième cycle. Il joue la fugue, rapidement, je reste la bouche ouverte, la larme juste au coin de l'oeil, en suspens, comme si le temps s'arrêtait, juste le temps que la magie reste, quelques secondes après qu'il ait soulevé ses mains du clavier. Il vient d'achever la toccata et fugue en mi mineur de Bach.
La petite Juliette vient s'asseoir face au piano noir. Une longue période de romantisme s'annonce en présence des plus grands: Beethoven pour commencer, Chopin avec le deuxième nocture de l'opus 9 qui semble vouloir nous emmener esquisser quelques pas d'amour, en toute intimité, avec pour maître mot la délicatesse, qui tiendrait toute notre étreinte en haleine. La valse de l'adieu d'Elior le prodige me donne plus envie de dire bonjour, recommence plutôt qu'Adieu je t'aime.
Sarah se lève, et va s'asseoir en face du piano. Je connais Sarah, elle a toujours peur, je vois son reflet dans le couvercle relevé du piano. Je la sens crispée, elle me disait toujours avant les concerts non mais angéline impossible je tremble trop, je vais jamais y arriver. Elle s'essuit les mains sur son jean, les suspend au dessus du piano, remet ses cheveux en place. Elle repose ses mains, les resuspend. Et enfin, elle commence doucement cette pièce capricieuse. Elle s'arrête soudain. Plus rien ne bouge, elle reprend son souffle, je vois d'où je suis ses mains qui disent nous n'y arriverons pas et Sarah qui se dit mais vous n'avez pas le choix!. Elle recommence, décidée. Elle tient son morceau jusqu'au bout. Souvent c'est le piano qui nous joue des tours. Là, elle s'amuse avec son piano, le mène par le bout du nez tu m'as eu une fois, tu ne recommenceras pas. Rondo Cappricioso de Mendelssohn. Nathan lui arrive, magistral, sur scène après avoir fait rassembler ses doigts de la main droite comme font les italiens pour dire Ma qué tou es bella sauf qu'il voulait lui dire Ma qué c'était génial. Il s'asseoit et joue tranquillemet son rêve d'amour, ses mains bondissent sur le clavier, il se tient droit comme un baton sur le tabouret. Je sais qu'il n'est pas content de ce qu'il a fait, chez lui c'est maladif. Il part se rasseoir, sans conviction. Il ets vêtu tout de noir, avec des chaussures pointues. Une autre fille que je connais vient s'asseoir. A chaque nouvel élève, la lumière change de ton, elle s'accentue, parfois s'adoucie. Cela donne une atmosphere de bien être et de tranquillité au concert. Des accords retentissent, la douleur d'une âme s'en échappe, Brahms nous dit écoutez moi, et ressentez, voyez comme tout va mal, tout pourrait aller mieux, avec de la musique!
Je sors du concert retournée, boulerversée par tant de talent. Il y a des mardis soirs, on a pas envie d'aller se coucher, mais plutôt de rêver éveiller.







Par Sans.cible le Mercredi 28 novembre 2007 à 17:49
La photo me fait sourire parce qu'elle clot ce long long long texte.
Bisous
 

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